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L’Application sur smartphone parviendra-t-elle à sauver le CPF ?

Sommaire

En 2018, 1/3 des actifs français avaient ouvert un compte personnel de formation (CPF) et seulement 7,2% (1) de la population active avait bénéficié d’une formation (toujours dans le cadre du CPF).

C’est dire à quel point ce droit individuel de la formation est populaire ! Pour quelles raisons les salariés français ne se sont pas appropriés ce dispositif de formation ?

Pour enrayer cette situation, le gouvernement d’Emmanuel Macron a décidé de mettre en œuvre une série de réformes : conversions des heures mobilisées sur le CPF en euros, gestion administrative et financière confiée à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), lancement d’une application sur smartphone pour les actifs et d’un site internet pour les entreprises.

Initialement prévue pour le 1er janvier 2019, cette dernière a finalement été reportée à l’automne 2019.Alors que quelques semaines nous séparent officiellement de l’automne, nous sommes en droit de nous interroger sur le fonctionnement de cette future application et sur les changements qu’elle entraînera pour les salariés, les entreprises et les organismes de formation.

Mais, au fait, c’est quoi le CPF ? Un petit rappel s’impose

Dans un premier temps, il est judicieux de rappeler la définition du CPF (compte personnel de formation).

Ce dispositif de la formation, considéré comme une mesure phare de la réforme de 2014, remplace l’ancien DIF et permet aux actifs de cumuler des droits sur des comptes individuels tout en leur garantissant une certaine autonomie dans la gestion de leurs heures de formation.

Les droits CPF étant calculés à partir des déclarations effectuées par les employeurs chaque année.

La principale différence entre le DIF et le CPF réside dans le fait que ce nouveau droit à la formation est lié à un individu qui peut l’utiliser tout au long de sa vie active.

Le CPF a opéré un véritable changement de paradigme en recentrant le système de la formation sur l’individu et non sur l’entreprise.

Jusqu’au 31 décembre 2018, tous les actifs cumulaient des heures de formation sur le CPF à hauteur de 24 h de formation par an. Si ces heures ne sont pas utilisées, les actifs cumulaient alors 12 heures par an.

Dès le 1er janvier 2020, au titre de l’activité 2019, les droits seront alimentés comme suit :

Vos droits CPF sont calculés à partir des déclarations de votre [vos] employeur(s) chaque année.

À partir de 2020, au titre de votre activité 2019, vos droits seront alimentés à raison :

  • de 500 euros par an pour une activité à mi-temps et plus [plafonnés à 5000 euros]
  • jusqu’à 800 euros par an selon le niveau de qualification [plafonnés à 8000 euros]

À noter : en 2019, durant la période transitoire, le compte personnel de formation est alimenté à hauteur de 360 euros au maximum pour une activité à temps plein [soit 24 heures multipliées par 15 euros]. Le compte des salariés à temps partiel est alimenté au prorata de leur activité.

Quand la réforme de 2018 modifie encore le compte formation

La loi « Avenir professionnel » du 5 septembre 2018 a opéré de nouveaux changements en instaurant un CPF en euros et non plus en heures.

En outre, ce ne sont plus les OPCA (opérateurs de compétences) qui prennent en charge les financements de formation. Les OPCA devenus OPCO depuis le 1er janvier 2019 se concentreront sur les plans de formations des TPE/PME et sur la prise en charge de l’alternance.

Les conséquences d’un CPF en heures à un CPF en euros a eu de nombreuses conséquences dont la baisse de la valeur des heures de formations sur un CPF.

Alors qu’avant la réforme, une heure de formation valait en moyenne 30 euros, désormais une heure de formation s’élève plutôt à 15 euros de l’heure.

Ainsi, un actif qui a cumulé 70 heures se retrouve désormais avec 1050 euros sur son compte formation.

Les impacts de la réforme du CPF sur les organismes de formation

Côté organismes de formation, cette mesure n’a pas été favorablement accueillie. En effet, les baisses des montants de prise en charge impliquent une baisse des coûts. Afin de pouvoir « soutenir le rythme », certains organismes de formation seraient tenter de délocaliser leurs formations à l’étranger, développer des formations « low cost » ou de créer des parcours de formation en « blended learning ».

Même si cette dernière solution est celle qui peut s’avérer être la plus rentable sur le long terme, elle nécessite en amont un investissement important de la part des organismes de formation.

Ces derniers doivent investir dans des formations et acquérir les compétences nécessaire afin de pouvoir créer des parcours en e-learning.

D’autre part, le passage d’une formation en présentiel à une formation mixte nécessite une adaptabilité des supports de formation. Enfin rappelons qu’il existe d’autres poses budgétaires importants pour les organismes de formation.

Ainsi, la nécessité de certification va également engendrer des frais supplémentaires… Il faut compter 1500 à 3000 euros pour se faire auditer par un organisme certificateur ! Les organismes de formation ont donc tout intérêt à bien gérer leur budget !

Pour en savoir plus sur la certification qualité, consultez notre interview du Cofrac: Le rôle du Cofrac selon le référentiel national par Iris Duvignaud, responsable Accréditation.

CPF : les raisons d’un désamour

Sur le papier, le CPF avait tout pour plaire et devait convaincre les actifs de prendre en main leurs carrières et de se former pour acquérir les compétences nécessaires aux métiers de demain. Pour autant, la révolution qu’était censée instaurer le CPF n’a pas eu lieu ! Vous êtes déçus ? Ça tombe bien, nous aussi !

En effet malgré toute la bonne volonté du gouvernement (volonté qui a pu s’exprimer à travers des campagnes de communication et le lancement officiel d’un site internet), le CPF n’a convaincu ni les actifs, ni les entreprises.

En effet, 4 ans après l’entrée en vigueur du CPF, seuls 31 % des actifs ont ouvert leur Compte personnel de formation (CPF) en ligne en 2018, et 7,2 % ont bénéficié d’une formation dans ce cadre. Notons également que près d’1/4 des actifs ignorent, comme en 2017, ce qu’est le CPF !

Pour Altedia, Adecco et le groupe IGS qui ont révélé ces chiffres dans la 4e édition de l’Observatoire des Trajectoires Professionnelles[1], la faible utilisation du CPF est dû à un manque d’informations !

Cette même étude montre ainsi que les actifs ne se sentent pas suffisamment accompagnés ni orientés dans la prise en mains de ce dispositif de formation.

D’autres raisons ont été avancées par de nombreux experts du secteur de la formation professionnelle.

Parmi elles, citons l’inadaptabilité des formations éligibles au CPF à la réalité du marché ou encore l’inadéquation entre les demandes spécifiques de certains actifs.

Co-construire une démarche employeur – salarié

Même si les réformes successives dans le secteur de la formation n’ont cessé d’insister sur le rôle du salarié et sur sa capacité à prendre en « main » sa carrière et à assumer « seul » son parcours de formation, preuve est de constater que l’échec relatif du CPF est dû à l’absence de l’implication des entreprises….

Dans la réalité, le CPF est moins un droit individuel qu’un droit à « co-construire » avec son employeur.

Si les actifs souhaitent ne pas solliciter leur employeur, encore faut-il qu’ils effectuent leur formation en dehors de leur temps de travail et qu’ils aient un projet professionnel bien défini.

Or, comme l’affirme Claire Pascal, directrice générale du centre de formation Comund[2]« on constate depuis plusieurs années que seuls 2 % des salariés ont un projet professionnel aussi abouti. ». Le rôle des entreprises est donc clé ! Pour autant, ces dernières demeurent encore trop peu impliquées dans le CPF. Ainsi, le sondage réalisé par Commundi en 2019 révèle que 28 %[3] des entreprises prévoient de mettre en place des stratégies d’abondement du CPF.

Même si certaines entreprises ont prévu de signer des accords d’abondements sur le CPF, ces dernières n’ont à ce jour que de peu de visibilité sur les politiques d’abondement qui seront mises en place par la Caisse des dépôts et consignations.

L’application CPF est d’ailleurs censée simplifier la démarche en permettant à un actif d’accéder directement à un catalogue de formation depuis un smartphone.

Cette simplification sera-t-elle suffisante pour inciter les actifs à utiliser ce dispositif de formation. Rien n’est moins sûr.

L’application CPF permettra-t-elle d’autonomiser l’apprenant ?

Cette nouvelle application qui devrait être disponible d’ici cet automne devrait permettre aux apprenants de se connecter sur leur espace personnel grâce à un identifiant et un mot de passe.

Dans un premier temps, les utilisateurs seraient invités à compléter leur profil (nom, prénom, sexe, adresse postale, adresse e-mail, etc.).

Cette plateforme permettrait aux apprenants d’accéder aux éléments suivants :

  • des offres d’emploi correspondant à leur profil et disponibles dans le secteur géographique sur lesquels ils se trouvent et dans leur secteur d’activité ;
  • des formations qui leur permettraient d’acquérir les compétences et connaissances requises pour les emplois pour lesquels ils postulent ;
  • des statistiques sur les différentes insertions professionnelles résultant des formations suivies ;
  • un agenda précis et détaillé des sessions de formation.

L’application sur smartphone a pour objectif de simplifier les démarches pour l’apprenant, ce dernier peut s’inscrire directement aux formations qu’il souhaite suivre. Suivre une formation serait donc bientôt aussi facile que de réserver un restaurant sur la Fourchette ou un rendez-vous sur Doctolib.

Cette simplification du système de la formation passe aussi par la désintermédiation. En effet, l’apprenant est ainsi directement mis en relation avec l’organisme de formation et peut « passer commande » et acheter des formations sans qu’un tiers acteur n’intervienne.

Pour l’apprenant, cette nouvelle démarche présente de nombreux avantages : gains de temps, simplification des démarches administratives.

Enfin, sur l’application CPF ; le paiement pourra être effectué directement depuis l’espace personnel de l’apprenant. À ce titre, c’est la Caisse des Dépôts (CDC) qui garantit le financement de toutes les formations.

Le problème du référencement des organismes de formation

Un des enjeux liés au lancement de cette nouvelle application concerne le référencement des organismes de formation. Les organismes de formation s’inquiètent de savoir la manière dont ils seront visibles dans le moteur de recherche de l’application.

Logiquement, seuls les organismes de formation habilités à proposer des formations éligibles au CPF devraient figurer dans cette application.

Mais, même si ce critère va limiter le nombre d’acteurs présents, nous ignorons encore les modalités de fonctionnement du moteur de recherches de l’application CPF. Existera-t-il des filtres permettant aux apprenants de sélectionner un organisme de formation plutôt qu’un autre ?

Mais si deux organismes de formation proposent un même catalogue de formation et sont présents sur la même zone géographique, comment seront-ils positionnés ? Qui occupera la première position ?

Les organismes de formation seront-ils contraints, comme c’est le cas sur Google, de créer un contenu à forte valeur ajoutée et optimiser et de se positionner sur des requêtes clés ?

Si le sujet du référencement naturel sur Google vous intéresse, vous pouvez consulter notre article : Comment faire référencer ses formations sur le moteur de recherche Google ?

Un parcours semé d’embûches

À l’heure où nous rédigeons cet article, ces questions demeurent insolubles et pour l’heure aucune information n’a été communiquée.

De plus, ccertains acteurs s’interrogent sur la légitimité d’un acteur tel que l’État à développer un outil aussi performant qu’une application comportant un moteur de recherches doté d’un algorithme aussi aboutit.

De plus, même si 80 % des Français sont aujourd’hui équipés d’un smartphone, 20 % de la population active n’en possède pas. Même si elle est minoritaire, cette partie de la population ne doit pas être négligée puisqu’elle est largement constituée de profils peu qualifiés. Or, la réforme entend toucher et former en priorité les publics les moins qualifiés…

La baisse de la valorisation du CPF, la faible implication des entreprises et le manque d’informations laissent entrevoir des obstacles qu’il faudra surmonter.

Même si les innovations technologiques ont permis de développer de nouvelles approches en matière de formation, elles ne peuvent, à elles seules, résoudre des problèmes plus profonds, d’ordre structurel…

Sources :
[1] Vous pouvez consulter l’intégralité de l’étude ici : https://www.groupe-adecco.fr/articles/4eme-edition-de-lobservatoire-des-trajectoires-professionnelles-1-actif-sur-3-en-transition-professionnelle-en-2018
[2] Pour en savoir plus sur l’interview de Clair Pascal : https://www.exclusiverh.com/articles/reforme-formation/la-formation-coute-desormais-plus-cher-aux-entreprises.htm
[3] https://www.exclusiverh.com/articles/reforme-formation/la-formation-coute-desormais-plus-cher-aux-entreprises.htm

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