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Réforme de la formation : la nouvelle application CPF va-t-elle changer les règles du jeu ?

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Depuis le 21 novembre 2019, les utilisateurs peuvent « acheter » des heures de formation en téléchargeant la nouvelle application CPF et en s’y inscrivant. Désormais muni d’un simple smartphone et d’une connexion internet, n’importe quel usage peut scroller parmi des centaines d’offres et choisir entre un bilan de compétence ou une action de formation.

L’application, est-elle une réelle révolution ? Va-t-elle changer les règles du jeu et redéfinir les rôles et missions des principaux acteurs de la formation professionnelle ?

Ne pas confondre la plateforme « Mon compte de formation » avec une market place

Dans une tribune rédigée par Fouzi Fethi, Responsable du Pôle Droit et Politiques de Formation de Centre Inffo et publiée sur le monde.fr, insiste sur la perception erronée qu’ont de nombreux utilisateurs de la plateforme « Mon compte formation ». L’accès à un catalogue de formation en ligne par simple clic incite certains détracteurs à comparer cette nouvelle application à une Market Place façon Amazon (ou d’autres par ailleurs).

Pour bien distinguer les deux types de plateformes, Fouzi Fathi rappelle, et à juste titre, que la plateforme mon-compte formation est avant tout « un espace de vente entièrement gratuit ». En effet, ni les vendeurs de la formation ni les utilisateurs ne paient d’abonnement et ne versent de commissions à l’État. De plus, précisons également que les utilisateurs parviennent à « acheter » des formations en utilisant les 500 euros (ou 800 euros pour les personnes les moins qualifiées) crédités sur leur CPF. Ces fonds sont publics et sont alimentés grâce par la contribution versée par les entreprises à l’URSSAF (à partir du 1er janvier 2021) et géré par la Caisse des dépôts et consignations. Fouzi Fethi qualifie par ailleurs ce système de « tiers payant ».

Quant au moteur de recherches de l’application, qui avait soulevé tant d’interrogations, celui de mon compte formation ne favorise aucun vendeur et son mode de fonctionnement est totalement aléatoire. Ce n’est bien évidemment guère le cas des market place ni du plus grand moteur de recherches appartenant à un géant américain (pour ne pas citer de noms) où il est très souvent nécessaire, pour ne pas dire indispensable, de payer pour être bien positionné.

La différence est également importante en matière de public cible. En effet, alors qu’une Market place hiérarchise ses utilisateurs en fonction de différents critères dont les abonnements souscrits ou encore l’achat d’espaces publicitaires, la plateforme « mon compte formation » respecte un principe d’égalité et ne fait aucune distinction entre les usages (quel que soient leurs sexes, âge, situation sociale, lieu de résidence ou encore leur handicap)

Enfin, une plateforme publique de type « mon compte formation » et une plateforme commerciale n’ont pas la même finalité. Alors que la première permet à des usagers d’acquérir de nouvelles compétences, développer leur employabilité et de permettre un retour à l’emploi, le second vise des objectifs purement mercantiles telles que l’augmentation du chiffre d’affaires. Effectivement, la posture est différente : l’achat d’un bien ou service sur une plateforme commerciale vise à combler un manque tandis qu’un achat de formation a pour but d’améliorer ses conditions de vie ou comme le souligne Fouzi Fethi de « se protéger contre les aléas de la vie ».

Lire aussi : Le Compte Personnel de Formation (CPF) : les droits du privé et ceux du public

Acheter une formation en un clic, est-ce si facile ?

À première vue, oui. Il suffit en effet de se créer un compte sur l’application en remplissant ses coordonnées et en acceptant les conditions générales d’utilisation. Par la suite, l’utilisateur n’a plus qu’à sélectionner la formation qu’il souhaite acheter et à cliquer pour. En quelques clic simplement, le voilà fin prêt à démarrer son bilan de compétences ou son action de formation. Et l’aventure s’arrête là ! Notre apprenant préféré peut suivre tranquillement sa formation qui lui permettra peut-être d’obtenir un nouvel emploi ou une augmentation de salaire et vivre heureux pour le restant de ses jours.

Toutefois, n’allons pas trop vite en besogne ! Si c’était aussi simple, ça se saurait. Et effectivement, ça n’est pas si simple que cela. Pour le savoir, il suffit de se rendre sur App Store ou Google Play Store et consulter les commentaires laissés par les utilisateurs. Ces avis révèlent par exemple l’importance de lire les conditions générales d’utilisation, ce que ne font pas tous les usagers, loin s’en faut. Ainsi, et comme le souligne l’application les « manquement aux obligations du titulaire du compte sont sévèrement sanctionnées ». Pourtant, l’application n’alerte pas l’utilisateur sur les sanctions encoures en cas d’importants  changements tels que la fin d’une formation ou encore l’obtention d’une certification. L’utilisateur a donc tout intérêt à lire toutes les conditions générales d’utilisation (9 pages tout de même) avant de commencer à utiliser ce service.

Lire aussi : Le compte personnel de formation (CPF) : un droit pour l’ensemble des actifs

Un autre défaut de l’application soulevé par certains utilisateurs est la nécessité de remplir le formulaire d’inscription très rapidement au risque de réitérer l’expérience à plusieurs reprises. En effet, l’application indique clairement aux usages que le contrôle de sécurité est dépassé. Gain de temps assuré.

Mais ces quelques tracas ne sont rien face au sujet qui demeure le plus épineux et le plus important : le choix d’une formation parmi un catalogue déjà très fourni (et qui devrait encore augmenter dans les mois et années à venir). Dans un précédent article, nous nous étions déjà interrogés sur les conditions de référencement des organismes de formation dans cette application. Pour le moment, l’ergonomie de l’application doit être repensée. Il est difficile pour un utilisateur lambda de s’orienter parmi plus de 1000 offres de formation. Certains filtres s’avèrent manquants et les descriptions de certains organismes de formation font défaut ou sont peu alimentés. Or, ces informations s’avèrent indispensables à un utilisateur pour lui permettre de faire un choix.

Ce dernier n’aura sans doute pas d’autres solution que d’utiliser un moteur de recherche « commercial » pour se rendre sur le site internet des organismes de formation et obtenir ainsi plus de renseignements. Mais, si les utilisateurs sont nombreux à faire ça, alors le principe même d’équité entre les petits et grands organismes de formation n’a plus de raison d’être, car tout le monde sait qu’en matière de communication digitale, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne.

Enfin, comme le soulignait Fouzi Fathi, le système mis en place est « un tiers payant » où l’internaute ne dispose que des fonds crédités sur CPF (et ces derniers s’avèrent insuffisants pour l’achat de certaines formations. Dans ce cas, l’utilisateur n’a pas d’autres choix que de mobiliser ses fonds personnels ou d’impliquer son entreprise. L’autonomisation des apprenants tant vantée par le gouvernement trouve donc ses limites.

Il est fort probable que l’application sur CPF incite les actifs à mobiliser leurs fonds formations. Et cela ne peut s’avèrer que positif lorsque l’on sait qu’en près de 5 années d’existence, seul un tiers des actifs français avait ouvert un compte personnel de formation (CPF) . Toutefois, de là à dire qu’une application peut simplifier un système de formation, il n’y a qu’un pas de trop. Certaines entreprises ont le sentiment d’avoir été écartées de nouveau système puisque leur rôle se limite désormais à verser une contribution unique alors même qu’elles étaient à l’initiative de la formation professionnelle. Rappelons toutefois que les fonds insuffisants inciteront de nombreux actifs à se tourner vers leur entreprise. Les projets co-construits employeurs/salariés ont encore de belles années devant eux. Le big bang tant espéré par le gouvernement n’aura peut-être pas lieu, mais est-ce réellement important ?

 

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