—- mise à jour de l’article le 25 juin 2021 —-
La bonne nouvelle en matière de Qualité, c’est que l’on ne part jamais de « zéro ». Le fonctionnement actuel, au jour le jour, de votre organisme de formation vise déjà la satisfaction de votre clientèle. Elle est la résultante d’une démarche Qualité souvent non formalisée. Il peut s’avérer nécessaire de rendre son organisation plus lisible et de la renforcer sur certains points. Il n’est alors pas toujours évident de savoir quelles actions mettre en œuvre. Nous avons interviewé Célia Brunet, consultante et auditeur Qualiopi, avec qui nous posons les étapes clés pour monter dans le train de la Qualité que vous soyez formateur indépendant, ou en charge d’un organisme de formation.
Célia Brunet accompagne à la certification Qualiopi des organismes prestataires concourant aux actions de développement des compétences (OPAC) de tailles diverses : organismes de formation, centres de bilans de compétences, centres de VAE ou centres de formation par l’apprentissage. Elle est également auditeur qualité Qualiopi, mandatée par des Organismes certificateurs accrédités par le COFRAC ou en cours d’accréditation.
1 – Pourquoi se lancer dans un Système de management de la Qualité ?
Une majorité des organismes de formation bénéficiant de financements publics et paritaires sont concernés par l’arrivée de la certification Qualiopi dans le champ de la formation professionnelle. Cette certification sera exigée à partir du 1er janvier 2022 pour bénéficier des financements publics et paritaires. La délivrance de la certification Qualiopi repose sur le respect du Référentiel national Qualité. C’est un référentiel unique. La certification Qualiopi remplace le référencement au DataDock et les labels/certifications de la liste pour les financements Opco. Elle s’imposera naturellement à tous les financeurs paritaires (Opco) qu’aux financeurs publics, ce qui n’était pas le cas du référencement DataDock. L’État, les Régions, Pôle Emploi, les Commissions Paritaires Régionales Interprofessionnelles (CPRI), la Caisse des Dépôts et Consignations (Compte Personnel de Formation) et l’Agefiph ne poseront pas de critères supplémentaires pour évaluer la Qualité de votre organisation et de vos prestations.
Que l’on soit à la tête d’un organisme de formation ou que l’on souhaite en créer un, la certification est une modalité fondamentale à mettre en place. En effet, cette certification qualité vise à attester de la qualité des actions mises en œuvre pour développer les compétences visées. En somme, une sorte de label certificateur qui rassure les clients quant aux différentes actions menées pour leur permettre de développer leur expertise professionnelle grâce aux actions de formation mises en place par exemple.
Le respect des 7 critères repose sur la mise en œuvre de 22 indicateurs. Il y a 22 indicateurs communs à toutes les structures et 10 indicateurs spécifiques en fonction de l’activité et des prestations (Compte Personnel de Formation, Action de Formation En Situation de Travail, Alternance).
L’objectif d’une démarche Qualité est de garantir que son organisation « fonctionne bien » pour répondre aux 7 critères du Référentiel. Il s’agit d’une certification de processus qui repose sur l’observation du fonctionnement et de vos pratiques au jour le jour. Le fonctionnement qui est le vôtre n’est pas à remettre complètement en cause. De nombreux organismes de formation se sont déjà dotés de manière volontariste d’une démarche Qualité avant l’arrivée de Qualiopi, et même avant le décret « Qualité » de 2015. L’objectif visé : structurer et sécuriser votre activité.
2 – Qualiopi : tout commence par un schéma
La première étape pour se lancer dans l’optimisation de son organisation consiste à mettre en place un Système de management de la Qualité en dressant d’abord l’inventaire des documents existants. La Qualité ne se résume pas à une somme de documents (on parlera des pratiques associées ci-dessous) mais commençons par cette première étape dédiée à la gestion des documents.
Si vos documents existent dans plusieurs formats (numériques et papier) et/ou sont répartis dans plusieurs endroits (Drive, logiciel, serveur…), un dessin est souvent aidant pour clarifier l’existant et lancer la mécanique. Listez tout ce qui existe, ce qui manque et ce qui est à mettre à jour.
Si votre organisation actuelle de fichiers vous satisfait, ne changez rien. Alphabétique, chronologique, thématique : à chacun sa préférence. Vous compléterez votre architecture actuelle en l’alignant sur les 7 critères du Référentiel sur lesquels se base la certification Qualiopi.
Si vous êtes en refonte de votre système documentaire, vous pouvez choisir un système de classement qui se calque directement sur les 7 critères du Référentiel.
Profitez de cette étape de tri pour effectuer des actions correctives simples qui prennent seulement quelques secondes ou minutes comme : mettre à jour les dates des documents (fiche programme par exemple), importer un document non encore classé… C’est un vrai gain de temps en vue de votre audit initial qui repose sur un échantillonnage de dossiers le jour J.
3 – Documents et pratiques : les deux faces d’une même organisation
L’audit est une photographie à l’instant T d’une organisation et de processus en mouvement. Ce n’est pas une somme de documents à produire à l’instar de la plateforme Datadock. La certification repose sur le principe de la démonstration de la réalisation de prestations de qualité.
Le processus d’inscription aux formations, par exemple, englobe le recueil d’informations sur le futur stagiaire, la transmission d’informations à ce dernier/à l’intervenant/à l’entreprise cliente ou d’accueil (CFA), les modalités de facturation de la formation… C’est la circulation des données qui fait le processus. Elle peut reposer sur une solution logicielle ou une organisation fine de documents Word, Excel, PDF, y compris avec certaines étapes au format papier. Les différentes étapes d’inscription sont l’exemple même d’un processus qualité qui s’ignore souvent.
Formaliser votre Système de management de Qualité ne nécessite pas de tout bouleverser et de changer vos habitudes. La certification Qualiopi est délivrée à des organismes de formation qui sont organisés de manière très différente. Il n’y a pas un modèle unique d’organisation.
L’objectif est de garantir que votre fonctionnement (documents, pratiques, flux des données…) permet de répondre aux exigences du Référentiel. C’est pour cela que l’on parle de « Démarche » qui vise à progresser en permanence dans une logique d’amélioration continue. Il n’y a pas de ligne d’arrivée à franchir. C’est un flux continu.
Un système de management de la Qualité peut reposer sur une cartographie de processus type, un logigramme, des textes et/ou schémas explicatifs sur sa manière de travailler, qui feront foi lors de l’audit.
4 – Organisation : les formateurs indépendants sont « avantagés »
Il est souvent plus facile de s’organiser « avec soi-même » qu’à plusieurs. Un système documentaire avec une seule personne utilisatrice est plus simple à actionner ou à mettre à jour. Lorsqu’une équipe (interne/externe) doit prendre en main le classement et la maîtrise de documents communs, le défi est plus élevé.
L’enjeu consiste à garantir un niveau de prestation homogène pour chaque participant, quels que soient son profil, le financeur, les intervenants, la durée, le contenu… La certification atteste de la conformité de la structure à l’ensemble des processus qu’elle a elle-même mis en place. Ils vont de la prise en compte des besoins à la satisfaction des participants/clients, et de tout l’écosystème. Rien de surprenant en fait. On parle, à tort, de « pratiques normées ». ll s’agit en fait de pratiques professionnelles partagées au sein de la structure, entre tous les acteurs, des dispensateurs des actions aux fonctions supports.
5 – Avec le Guide de lecture du Référentiel à la main, j’ai peur de rien
Le Guide de lecture du référentiel national Qualité de 40 pages édité par le ministère du travail est LE document à lire. La version 6 doit paraître courant septembre. Il explique de manière pédagogique et concrète les 7 critères et les 32 indicateurs d’appréciation du Référentiel.
Il détaille, indicateur par indicateur, les attendus et des exemples d’éléments de preuve. Il liste les obligations spécifiques par types d’activité et la nature des non-conformités éventuelles. Un glossaire y est également associé.
Ni le Référentiel ni son Guide de lecture n’indiquent de quelle manière il faut répondre à un critère. Chaque système Qualité a son propre mode de fonctionnement puisque le Référentiel repose sur la mise en place de processus propres à chaque structure. Ce n’est pas une liste de spécifications techniques.
Il conviendra de démontrer de manière pragmatique, le jour de l’audit, comment s’articulent les différents processus. Par exemple : « construire le parcours pédagogique » (indicateur 6), « informer sur le déroulé de la formation » (indicateur 9), « coordonner les intervenants internes et externes » (indicateur 18), « gérer les réclamations » (indicateur 31)… En formalisant ses processus à l’aide de schémas simples, vous faciliterez les échanges et l’appréciation de l’auditeur.
Pour passer à l’action de manière concrète, ce guide reste LA référence incontournable. Il n’est cependant pas à appliquer à la lettre. À vous de l’adapter à vos pratiques professionnelles et à vos méthodes d’organisations déjà existantes. Partez toujours de votre organisation actuelle.
6 – Un système documentaire axé sur le Référentiel national Qualité
À titre d’exemples, extraits du Guide de lecture mentionné ci-dessus, voici certains des documents indispensables que vous devez être en mesure de fournir lors de l’audit avec l’exigence qu’ils soient datés et à jour :
- 2 indicateurs de résultats a minima pertinents sur le niveau de performance et d’accomplissement de vos prestations.
- Les évaluations des acquis à chaud et à froid.
- Les preuves de passage des examens et le taux d’obtention pour les parcours préparant des certifications.
- La procédure de gestion des ruptures de parcours (liste précise des tâches à réaliser).
- Le catalogue de formations dans sa dernière version (et les fiches programmes).
- Le calendrier des formations et des intervenants (internes et externes) ainsi que les solutions de remplacement mises en place.
À savoir :
- Les messages échangés font office de preuve pour indiquer, par exemple, comment sont gérées les réclamations. Pour cela, des exemples de mails doivent être classés et facilement montrables lors de l’audit.
- Si vous utilisez certains documents au format papier, vous pouvez les scanner pour les intégrer à votre système documentaire.
Il est préférable de partir de vos habitudes actuelles plutôt que de vouloir tout changer du jour au lendemain. Les bonnes pratiques, déjà en place, sont des facteurs clés de succès.
Votre gestion documentaire doit être mise à jour régulièrement pour une transparence optimale le jour de l’audit. Elle est la colonne vertébrale de votre fonctionnement au quotidien.
7 – Audit Qualiopi : oser partager les difficultés rencontrées et surmontées
Un système de management de la Qualité vise à s’améliorer à partir de chaque aléa rencontré. L’objectif : agir pour que cela ne se reproduise plus. L’audit n’est pas un « examen de fin d’année » qui consisterait à se montrer sous son meilleur jour. Au contraire, c’est en expliquant les difficultés rencontrées récemment et la façon dont elles ont été gérées que vous apportez la preuve que vous êtes bien entré dans une boucle vertueuse. La remise en question et la progression sont le fondement d’une démarche Qualité.
NB : il est important pour un organisme récemment créé, d’avoir initié une démarche qualité puisque l’audit se basera sur les processus mis en place et l’amélioration continue sera vérifiée à l’audit suivant (indicateur 32).
8 – Tenir à jour un tableau des dysfonctionnements sur les derniers mois
Préparer un audit de certification qualité consiste, notamment, à inventorier ses dysfonctionnements et en extraire les causes.
Un aléa analysé sous l’angle de l’arbre des causes doit répondre aux questions suivantes : qu’est-ce qui s’est passé (quoi) ? Quelles personnes ont été concernées (qui) ? À quelle date ou sur quelle période (quand) ? Quel est le périmètre concerné le lieu de l’événement (où) ? Quel est le contexte (comment) ? Quelles en sont les causes (pourquoi) ?
Un tableau Excel composé de 6 colonnes peut être utilisé. Aux 6 colonnes ci-dessus (quoi, qui, quand, où, comment, pourquoi) s’ajoutent 3 colonnes : l’action corrective envisagée, ses résultats et l’indication que l’aléa est clôturé ou toujours encore en cours.
Le tableau peut être tenu chronologiquement ou en plusieurs « feuilles » par catégories d’aléas ou par typologie de parties prenantes concernées (participants, entreprises clientes, financeurs, partenaires, équipe de salariés, intervenants extérieurs…).
Lors de l’audit de surveillance, l’objectif sera notamment de montrer ce qui a été corrigé depuis l’audit initial avec une attention particulière portée aux non-conformités mineures mentionnées sur le rapport d’audit. Les non-conformités mineures (s’il y en a moins de 5) n’empêchent pas la délivrance de la certification. Pour autant, y remédier dans les 6 mois suivant l’audit est une exigence du Référentiel. Ces corrections nourrissent le tableau de gestion des aléas.
9 – Le réflexe : Planifier – Faire – Vérifier – Corriger
Pour entrer dans la démarche Qualité Qualiopi, on peut s’appuyer sur le modèle de la roue de Deming : Plan – Do – Check – Act. Il est possible de répartir les 7 critères en 4 parties.
PLAN – Planifier
Critère n° 1 : Communiquer sur son offre. Il consiste à répertorier toutes les informations qui permettent de présenter son offre de formation de manière précise, tant au niveau du contenu, que du déroulé ou des indicateurs de résultats.
Critère n° 2 : Concevoir des formations adaptées aux besoins des futurs stagiaires. La personnalisation des formations occupe une place centrale dans la démarche de Qualiopi. En effet, les formations proposées ne doivent pas être des produits sur étagère mais bel et bien des parcours sur-mesure dont l’objectif est de répondre à des objectifs précis.
DO – Faire
Critère n° 3 : Adapter les prestations en fonction des profils des bénéficiaires. Pour proposer un parcours de formation de qualité, le suivi doit être régulier. Les apprenants doivent se sentir accompagnés et guidés à chaque étape de leur cursus d’apprentissage.
Critère n° 4 : Offrir un écosystème favorable aux apprentissages. Si le contenu des formations est central, l’environnement de travail est également pris en compte. En effet, le lieu, matériel et ressources pédagogiques misent à disposition des apprenants jouent un rôle décisif dans leur réussite également.
CHECK – Vérifier
Critère n° 5 : Professionnaliser les équipes. Professionnaliser les équipes. Former les autres est le cœur du métier des organismes de formation. Mais la démarche Qualiopi exige également de savoir se former soi-même ainsi que ses équipes support, pédagogique, interne et externe.
Critère n° 6 : La maîtrise de son environnement professionnel. Bien connaître son environnement de travail, tant au niveau de la législation que des innovations, est primordial pour être toujours plus innovant.
ACT – Corriger les écarts
Critère n° 7 : Améliorer les prestations. L’essence même de Qualiopi est de s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue. C’est pourquoi les retours des apprenants, mais aussi des entreprises et tout autre interlocuteur, sont précieux.
10 – Ces erreurs qui sont rédhibitoires
Il y a des principes d’organisation simples qui ne passeront pas au moment de l’audit surtout si ces éléments sont répétés. Parmi les manquements observés en audit qui pourraient facilement être évités :
- Incohérences entre le site web, le catalogue papier et les fiches Programme.
- Documents types non remplis.
- Documents non datés, ou non mis à jour.
- Intitulés de documents ne correspondant pas au contenu attendu.
- Difficultés à produire un document ou à expliquer un processus.
Les 10 commandements de la démarche Qualité
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- Elle est accessible à tout type de structure et correspond à un état d’esprit qui cherche à optimiser son mode de fonctionnement.
- Être dans une dynamique de veille permanente pour améliorer son offre.
- Inscrire la démarche dans une logique d’amélioration continue.
- Prendre appui sur ses bonnes pratiques dès lors qu’elles fonctionnent bien.
- Appréhender la Qualité comme une amélioration de son fonctionnement au quotidien, une évaluation de ses pratiques et non un grand chambardement.
- Installer des outils faciles à prendre en main par l’équipe (pédagogique, logistique, commerciale, administrative), en interne ou externe.
- Faire de la démarche Qualité un projet d’entreprise, une démarche participative pour pérenniser l’activité et développer les compétences des collaborateurs.
- Impliquer/fédérer l’ensemble du personnel, en assignant des rôles précis, ainsi que les intervenants en sous-traitance.
- Avoir comme objectif le développement de l’activité à moyen et long terme, et non pas l’audit comme un but final.
- La Qualité, en tant que levier de performance, est l’affaire de tous.
Que vous soyez formateur indépendant, ou responsable d’une structure plus développée, Qualiopi est l’occasion de prendre du recul et d’identifier vos bonnes pratiques pour capitaliser dessus. Préparer ce « permis » qui sera nécessaire pour prétendre à une partie des financements de la formation à partir du 1er juillet 2022 est un moteur pour renforcer la cohérence de votre offre et adapter votre organisation à vos cibles. En cela, la taille de la structure n’influe en rien sur les attendus auxquels vous devez répondre. Un écueil serait de se sous-estimer ou de surestimer.
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Les 2 documents de référence :
- Le Référentiel national Qualité : Décret n° 2019-565 du 6 juin 2019 (les 7 critères et les 32 indicateurs présentés sur 3 pages).
- Le Guide de lecture du Référentiel national Qualité téléchargeable sur le site du Ministère du Travail (40 pages).