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« L’AFEST introduit un changement de mode managérial au sein de l’entreprise » Interview de Luc Lecerf, expert AFEST

Sommaire

L’AFEST (action de formation en situation de travail) a été introduite par la dernière réforme de la formation. Comment devient-on référent AFEST ? Comment la mettre en œuvre dans l’entreprise afin qu’elle puisse bénéficier à toutes les parties prenantes et répondre aux besoins des organisations ? Pour répondre à ces questions, nous avons interviewé Luc Lecerf, consultant RH Formation Ingénierie AFEST.

 

Luc Lecerf _ expert et référent AFEST
 

Pourriez-vous nous présenter votre parcours professionnel ?

Depuis un an, je suis consultant en performance de la formation. Auparavant, j’avais travaillé pendant près de 30 années sur les questions de la formation, notamment au sein d’un centre de formation qui proposait des formations à la carte de courte ou de longue durée.

Ces formations étaient certifiantes et validées par des CQP (certificat de qualification professionnelle). J’ai également travaillé sur la construction de référentiels pour des CQP et des blocs de compétences. La nouvelle réforme de la formation a amené le centre de formation dans lequel je travaillais à changer d’orientation stratégique. J’ai considéré que c’était l’occasion idéale pour moi pour lancer mon activité de consultant.

En tant que consultant indépendant, que pensez-vous de la nouvelle réforme de la formation ?

Pour moi, la nouvelle réforme de formation constitue une véritable opportunité. Dans l’ancien système, les centres de formation étaient parfois considérés comme des commerciaux aux services des OPCA.

Nous étions les relais des OPCA qui finançaient les formations que nous proposions ensuite aux entreprises. Nous étions donc dans une logique de « financement » de la formation, ce qui ne répondait pas suffisamment aux besoins des apprenants et encore moins à ceux des entreprises. Aujourd’hui, l’action de formation doit permettre le développement des compétences au sein de l’entreprise. Je considère que l’AFEST (action de formation en situation de travail) va enfin donner tout son sens à la formation.

Pour quelles raisons avez-vous souhaité devenir référent AFEST ?

J’ai décidé de suivre une formation AFEST, car cette modalité de formation est la traduction des véritables besoins des entreprises. De plus, je pense que la certification de Référent AFEST permet de donner de la visibilité et de la reconnaissance à une expertise qui existe au sein de l’entreprise. Avec l’AFEST, la formation n’est plus déconnectée du monde du travail.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la certification AFEST dispensée par C-Campus ?

J’ai été formé au sein de l’organisme de formation C-Campus qui depuis 3 ans propose la première formation certifiée AFEST et inscrite au RNCP. Cette certification m’a permis de disposer d’outils et d’une méthode afin de pouvoir mettre en œuvre cette modalité auprès d’entreprises.

Ce sont des éléments qui permettent de rassurer les différents partenaires avec lesquels je suis amené à travailler. Même si j’ai suivi une formation complète, l’AFEST est une nouvelle démarche et le formateur apprend en marchant.

À partir du moment où les critères du décret relatif à cette modalité sont respectés, le référent AFEST a toute la liberté de l’adapter en fonction du contexte dans lequel il se trouve et de la situation à laquelle il fait face.

Pour autant, pouvez-vous nous confirmer que la certification AFEST n’est pas obligatoire ?

La certification n’est pas obligatoire pour toutes les entreprises qui souhaitent mettre en œuvre une AFEST ni pour les organismes de formation ou formateurs qui interviennent dans les entreprises. Toutefois, le fait d’être certifié me permet d’obtenir certains marchés puisque des OPCO exigent que l’AFEST soit mise en œuvre par un formateur ou un référent certifié. Pour les OPCO, c’est une manière de renforcer leur mission auprès des entreprises et de montrer qu’ils font appel à des personnes compétentes.

Aujourd’hui C-Campus est le seul organisme à proposer une formation certifiée AFEST ? Pensez-vous qu’il soit en position dominante ?

Il est vrai que C-Campus est le premier organisme de formation à avoir lancé et certifié une formation AFEST au RNCP. Mais la formation n’est pas pour autant verrouillée.

En effet, il existe d’autres formations qui par ailleurs ne bénéficient pas de certification et qui sont dispensées par des organismes de formation. De plus, C-Campus a conclu plusieurs partenariats avec d’autres centres de formation dont Iccertis ou encore Cegos afin qu’ils puissent proposer le même type de certifications.

Selon vous, quelles sont les nouveautés introduites par l’AFEST ?

Tout d’abord, la démarche d’une AFEST est tout à fait différente, car on entre dans une logique d’investissement et non plus de financement. On ne choisit plus de déployer une AFEST pour des raisons de financement par divers partenaires, mais pour répondre à des besoins et former des collaborateurs à l’acquisition de savoirs. Ces mêmes savoirs qui ne peuvent être acquis lors de formations plus classiques dispensées en centres de formation.

Le travail d’ingénierie mené en amont permet de traduire l’analyse d’un savoir en différentes séquences de travail. Dans le cadre d’une AFEST, l’apprenant à le droit à l’erreur et peut réitérer une même activité jusqu’à ce qu’il atteigne son objectif. L’AFEST permet aux entreprises de maîtriser leurs savoirs.

Pourriez-vous nous expliquer ce que comprend le décret sur l’AFEST ?

Dans un premier temps, je dirai que le décret précise toutes les phases en amont ; ce qu’on appelle l’ingénierie de l’AFEST ; lesquelles comprennent une analyse du métier, des savoirs déjà acquis et les objectifs à atteindre.

Les séances de réflexivité permettent d’instaurer des échanges avec le tuteur, d’élaborer un protocole individuel de formation (un document important pour prouver la traçabilité d’une AFEST), un programme de formation, de réaliser des évaluations et de mesurer l’impact de l’AFEST.

Avez-vous un exemple concret à nous fournir pour nous montrer comment a lieu une séance de réflexivité ?

Par exemple, en ce moment, je travaille sur le déploiement d’une AFEST dans une entreprise issue du secteur industriel. Je vais donc en collaboration avec le tuteur et d’autres collaborateurs de l’entreprise (dont un ingénieur) définir quelles sont les séquences de formation qui seront concernées par l’AFEST.

En l’occurrence, nous avons choisi 2 séquences d’activité : l’une est simple et comprend 3 activités tandis que la seconde est plus importante et comporte 5 activités. Parmi les activités de la seconde séquence figure par exemple « positionner les courroies, jauges et souleveurs ». Je propose également des modalités pédagogiques complémentaires pour traiter les autres séquences : du présentiel et du digital learning.

Par ailleurs, je travaille sur la conception d’un document comportant 6 questions et permettant de réaliser ces phases de réflexivité. Ce document synthétise la manière dont l’action de formation va être réalisée et de définir les objectifs à atteindre.

Dans une AFEST, le rôle du tuteur est donc important et le formateur ne peut s’y substituer ?

Il ne faut surtout pas remplacer le tuteur. Ce dernier doit être impliqué dans toutes les étapes de la mise en œuvre d’une AFEST. C’est lui qui est le garant de la transmission de savoirs au sein de l’entreprise. De plus, qui dit AFEST, dit transmission orale et celle-ci a justement lieu entre le tuteur et l’apprenant. C’est grâce au tuteur que les process sont à même d’évoluer dans le temps.

En quoi une AFEST se différencie d’une « formation sur le tas » ?

Selon moi, la principale différence entre une AFEST et une formation sur le tas est que l’apprenant est totalement autonome et le tuteur n’est pas présent pendant qu’il est en train de réaliser son activité. Ce dernier n’est pas présent pour contrôler ce qui se passe. C’est en ce sens que l’apprenant est un véritable acteur de son apprentissage. Parce qu’il a le droit à l’erreur, l’apprenant peut essayer, analyser et recommencer jusqu’à ce qu’il atteigne l’objectif. Le nombre d’essais/erreurs est défini à l’avance.

L’AFEST permet d’identifier et valoriser tous les temps de formation. Par exemple, dans l’entreprise du secteur industriel dans laquelle je travaille en ce moment, tous les moments de l’AFEST ont été clairement identifiés afin que les coûts liés à ces actions de formations soient identifiés par les responsables de l’atelier. Grâce à cela, on sera davantage en mesure d’analyser le retour sur investissement d’une action de formation.

Dans la formation sur le tas, le tuteur est omniprésent. La formation est principalement descendante. C’est le tuteur qui transmet la formation et l’apprenant qui l’assimile. Celui-ci ne peut pas devenir acteur de son apprentissage et demeure passif. De plus, les temps de formation ne sont pas identifiés ni valorisés et il est impossible d’en mesurer l’impact. Parce que les temps de formation ne sont pas identifiés, on va donc chercher à minimiser les coûts et donc à réduire les temps de formation.

Pourquoi dites-vous que l’AFEST instaure un nouveau mode managérial ?

L’AFEST va permettre à tous les collaborateurs à prendre pleinement possession de leur poste de travail. La maîtrise des compétences a lieu de manière différente, car l’apprenant est davantage autonome et que tout ce qu’il réalise est réel : par exemple toutes les opérations qu’il va effectuer dans une machine vont servir à produire de vrais produits qui seront par la suite vendus au client.

De plus, tous les collaborateurs (quel que soit leur niveau hiérarchique) doivent être impliqués dans la mise en œuvre d’une AFEST : qu’il s’agisse du tuteur, du responsable de l’atelier (dans le cadre d’une AFEST réalisée dans une entreprise industrielle), des RH ou Top management. Même les membres du CSE (comité social et économique) peuvent être impliqués pour mieux comprendre l’intérêt de l’AFEST.

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