La digitalisation des formations a le vent en poupe auprès des grandes entreprises, mais qu’en est-il des petites et moyennes entreprises ? Le parcours de ces dernières est souvent semé d’embûches et parmi les difficultés que rencontrent ces dernières figure un manque de moyens matériels (absence d’environnement numérique favorisant la formation à distance ou encore un manque d’implication du management à toutes les échelles. Les TPE/PME peuvent toutefois parvenir à former leurs salariés à condition d’identifier en amont les écueils à éviter.
Le succès du blended learning et du tutorat auprès des TPE/PME
Le blendend learning [ou formation mixte qui allie formation en présentiel et à distance] est souvent envisagé comme une solution par les TPE/PME parce que cette modalité pédagogique leur permet de gagner en flexibilité tout en favorisant l’acquisition d’apprentissages par les salariés.
Pour accroitre l’engagement des apprenants, les TPE/PME ont recourt au tutorat. Cet outil est de plus en plus plébiscité par les entreprises, car les apprenants peuvent continuer à profiter des avantages de l’enseignement à distance : se former à tout moment, quel que soit le lieu où ils se trouvent et à leur rythme tout en bénéficiant de l’accompagnement d’un tuteur qui assure un suivi précis de leurs parcours pédagogiques.
Pour autant, peut-on dire que le blended learning et le tutorat peuvent à eux seuls résoudre tous les problèmes rencontrés par les entreprises ? Pour Mathilde Istin, directrice déléguée de l’ISTF, un organisme de formation spécialisé dans le digital[1], « un grand nombre de projets tombent à l’eau ». Il est donc nécessaire de « prendre quelques précautions avant se lancer ».
Des problématiques matérielles et de gestion du temps
Les TPE/PME font face à d’importantes problématiques matérielles. Ces dernières ne disposent pas toujours de lieux dédiés à la formation. Le poste de travail ne convient pas forcément au suivi des formations sauf dans le cadre d’une AFEST [action de formation en situation de travail]. Mais l’AFEST est loin d’être facile à mettre en œuvre et doit respecter un certain formalisme et requiert la formation de salariés.
Même dans le cadre d’une formation e-learning, cela nécessite un cadre numérique propice à la formation. Outre le matériel adapté, les apprenants doivent pouvoir s’isoler afin de travailler de manière plus efficace.
Autre problématique rencontrée par des TPE/PME pour le déploiement de formations à distance ou e-learning : la gestion du temps. En effet, dans des petites structures, la frontière entre temps de travail et temps de vie personnelle est mince. Il peut arriver que les apprenants soient contraints de suivre des formations hors de temps de travail si les entreprises ne sont pas à même d’instaurer un système équilibré. Par conséquent, les stagiaires peuvent être susceptibles d’abandonner leurs formations.
Top management, management de proximité : tous impliqués et tous convaincus
Si l’implication du top management est indispensable pour la mise en œuvre d’une stratégie formation, elle s’avère toutefois insuffisante. En effet, les managers doivent également être convaincus de la nécessité de recourir au e-learning et que cette modalité pédagogique permettra d’augmenter la performance des salariés.
Les managers de proximité doivent également être sensibilisés aux enjeux du digital learning, car ils sont directement en contact avec les apprenants.
Selon une enquête menée par le groupe CEGOS en 2003, les managers de proximité sont décisionnaires dans le processus d’achat d’une action de formation. En effet, ces derniers sont amenés à jouer trois rôles principaux : ils sont informateurs, formateurs [dans le cadre d’une formation en situation de travail par exemple] et prescripteurs [ce sont souvent eux qui choisissent des formations]. Les managers de proximité ont aussi pour mission d’informer les apprenants des objectifs des formations. En outre, ils sont bien placés pour mesurer l’efficacité d’une formation.
Dans le cadre d’une formation e-learning, les managers de proximité doivent créer un cadre qui favorise la formation, par exemple en mobilisant des créneaux dédiés à la formation pour les salariés ou encore en créant des environnements numériques pour leurs salariés qui leur permettent de suivre facilement des formations.
Enfin, les entreprises n’ont d’autre choix que de mettre en œuvre un « marketing de la formation » afin d’expliquer à tous les collaborateurs l’intérêt de réaliser des formations e-learning et les objectifs à atteindre. Les OPCO pourraient être amenés à jouer ce rôle dans les entreprises de moins de 50 salariés. En effet, depuis la mise en œuvre de la réforme de 2018, ces acteurs ont pour mission d’accompagner les entreprises dans la définition de besoins en matière de formation professionnelle.
L’outil n’est pas le plus important
Il est tentant de se lancer dans la digitalisation d’un catalogue de formations en commençant par le choix d’un LMS [learning management system] ou de toute autre solution e-learning censée révolutionner la politique formation d’une entreprise. Or, il est essentiel pour ne pas dire indispensable d’établir dans un premier temps une stratégie formation et de définir des objectifs à atteindre.
Pour Mathilde Istin, une des principales erreurs commises par les TPE/PME est celle du séquençage dans le temps des différentes phases d’un projet e-learning. En effet, les entreprises sont tentées dans un premier temps de choisir une solution [de type LMS] puis dans un deuxième temps de créer un contenu pédagogique. Cette solution n’est pas viable sur le long terme, car « elle prend du temps et de l’énergie […] Les entreprises finissent par s’apercevoir que le système ne séduit pas ».
Des solutions pour digitaliser efficacement des formations
Les entreprises peuvent mener conjointement toutes les phases nécessaires au déploiement d’une stratégie e-learning à savoir le choix d’une solution e-learning et la conception d’un contenu pédagogique. Le « test and learn » est une stratégie que peuvent mettre en œuvre les entreprises afin d’avancer de manière efficace. Ainsi, il est par exemple recommandé de commencer par digitaliser une première formation dans le but de :
- Tester l’appropriation des nouveaux outils par les apprenants.
- Déterminer si les outils choisis répondent aux besoins des salariés.
- Identifier les potentialités et les limites des solutions sélectionnées.
Le choix de la formation à digitaliser n’est pas anodin. Mathilde Istin recommande de débuter par la numérisation d’une formation « pour les nouveaux apprenants ou bien dédiés à un service de l’entreprise ».
En impliquant le top management et le management de proximité et en appliquant une démarche de « test and learn », les entreprises seront plus à même de tirer parti des nouvelles technologies afin d’augmenter la performance de leurs salariés.
[1] Voir article paru dans le No 981 d’Inffo Formation du 1er au 14 février