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Bientôt un CPF européen ?

Sommaire

La possibilité de voir un jour la création d’un Compte Personnel de Formation (CPF) à l’échelle européenne est devenue un peu plus concrète en 2022. Pour la première fois de son histoire, une recommandation commune des États membres invite à s’inspirer de l’initiative française. L’objectif ? Une population européenne mieux formée, plus en phase avec les évolutions du marché et plus compétitive.

Pour autant, un CPF européen à court ou moyen terme, est-il vraiment possible ? Et d’ailleurs, quelle forme pourrait-il prendre ?

On fait le point dans cet article.

Pourquoi est-ce un sujet européen ? 

Le sujet du CPF européen a été mis sur la table par la Commission européenne. En effet, celle-ci jouit d’un droit d’initiative pour faire évoluer les politiques des États membres. Celle-ci s’est ainsi donnée comme objectif d’intensifier l’accès à la formation des adultes en Europe. Pour cela, le développement de systèmes de financement « à la main des individus » dans tous les pays européens, doit permettre de contribuer à l’objectif ambitieux fixé par l’UE de 60 % des adultes bénéficiant chaque année d’une formation à l’horizon 2030.

Pour mesurer les progrès à accomplir, la dernière enquête OCDE menée en 2019 (soit au moment de la monétisation du CPF) mentionnait que seulement 32 % des actifs français suivent une formation professionnelle chaque année. Ce chiffre est inférieur à la moyenne de l’OCDE qui s’élève à 41 %. Parmi les États membres, seuls cinq d’entre eux ont un taux supérieur à 48 %. 

La mise en place d’un dispositif similaire au CPF semble trouver ici toute sa place pour atteindre ses objectifs ambitieux.

Rappel sur le dispositif français du CPF

Le CPF est un droit lié à l’individu en situation d’activité. Celui-ci est indépendant de son statut (salarié, indépendant, demandeurs d’emploi…) et suit l’actif tout au long de sa carrière.

Il consiste en une cagnotte qui s’alimente chaque année en fonction de son activité (500 euros par an dans la limite de 5 000 euros cumulés sur son compte ; 800 et 8 000 euros pour certains publics particuliers).

Cette somme accumulée permet de financer les formations disponibles sur la plateforme Mon Compte Formation.

Ces formations sont : 

  • certifiantes, c’est-à-dire inscrites au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou Répertoire spécifique (RS) ;
    ou
  • correspondent à des thématiques bien spécifiques (Permis B, VAE, Bilan de compétences, création et reprise d’entreprise…).

Si les droits disponibles sur son compte sont suffisants, l’actif n’a rien à débourser. Dans le cas contraire, il peut solliciter des sources de financement complémentaires (l’employeur notamment) ou compléter lui-même le différentiel.

Cependant, ce système comporte une problématique de financement structurelle. Les recettes issues des cotisations des entreprises ne permettent actuellement pas de faire face aux dépenses engagées au titre du CPF. C’est la raison pour laquelle le principe d’un reste à charge pour le titulaire a été voté en 2022 par le Parlement français.

Une recommandation en phase avec le modèle français

Le détail de la recommandation permet de dresser un portrait type du système qui est espéré au sein des États membres. Celui ressemble d’ailleurs furieusement au CPF « made in France » :

  • droits acquis indépendants du statut de l’individu ;
  • cumulables dans le temps ;
  • accessibles et mobilisables via un portail numérique national qui répertorie l’offre de formation éligible ;
  • un lien avec des services d’orientation, ainsi que les possibilités de validation des acquis.

Toutefois, au-delà de ces caractéristiques de base, il semble difficile de converger vers un outil et un système commun, ne serait-ce que par la diversité des modes de financements de la formation.

Des niveaux d’investissement très variables selon les pays

La grande majorité des pays membres disposent d’aides financières à destination des individus (congés formations, chèques formation ou encore bourses individuelles). Si la France paraît le pays le plus avancé, ou en tout cas le plus proche du modèle recommandé, il reste complexe d’avoir une homogénéité au sein de l’UE sur cette thématique. 

En effet, dans certains pays (notamment en Europe du Nord), l’effort de formation par les entreprises est déjà élevé ; pour d’autres (notamment en Europe de l’Est), le manque de formation et l’absence de financements mutualisés sont marqués. 

 À titre d’exemple, la Suède et la Finlande investissent plus de 2 % de leur PIB dans la formation là où les efforts de la Roumanie en la matière sont inférieurs à 0,5 % du PIB.

Par ailleurs, l’initiative du choix de formation n’est pas nécessairement le même selon les pays :

  • fortement prescrit et accompagné par les entreprises et les syndicats en Allemagne ou dans les pays scandinaves ;
  • beaucoup plus individualiste dans les pays ne disposant pas nécessairement de fonds mutualisés.

C’est la raison pour laquelle la recommandation est formulée de manière très consensuelle. Elle invite seulement à développer ce type de mécanisme en tenant compte « des pratiques et des besoins au niveau national ».

Afin de trouver des leviers actionnables, celle-ci invite les États à construire ce dispositif avec des financements aussi bien publics que privés. L’utilisation possible des fonds européens (Fonds social européen +, Fonds européen de développement régional, Fonds pour une transition juste…) doit permettre de viser des publics fragiles, mais également d’assurer la pérennité du dispositif.

À quoi pourrait ressembler concrètement un CPF européen ?

Au-delà de ces problématiques d’alignement financier se pose une question simple : à quoi pourrait ressembler réellement ce dispositif à l’échelle européenne ? Plusieurs think tanks européens se sont penchés sur le sujet, tels l’Institut Jacques Delors et la Fondation Européenne d’Études Progressistes (FEPS). Ces derniers ont récemment imaginé les contours possibles d’un compte individuel de formation déployé à l’échelle européenne, qui établirait des droits portables d’un pays à l’autre.
Ces pistes peuvent paraitre optimistes en termes de délais.

Si on se fie à la recommandation, plusieurs verrous doivent d’abord être levés pour atteindre cet objectif : 

  • la généralisation du principe de comptes individuels au sein de la majorité des pays membres ;
  • la portabilité et la transférabilité au sein de l’UE ;
  • la centralisation de l’offre au sein d’une plateforme comme Europass, interopérable avec les portails numériques nationaux de compte individuels de formation ;
  • l’ouverture des marchés nationaux à des prestataires d’autres pays.

Il y a ainsi fort à parier que la création d’un tel droit ne pourra se faire que par étapes, avec la création des droits l’échelle nationale, puis la mutualisation des outils à une échelle européenne.

Pour aller plus loin : recommandation du Conseil de l’Union européenne relative aux comptes de formation individuels, 16 juin 2022 

En conclusion : un CPF européen utopiste à court terme

La difficulté fondamentale, au-delà de la bonne volonté des pays membres, reste le fonctionnement de l’Union Européenne. En matière de formation professionnelle, celle-ci manque d’outils contraignants. La recommandation reste en la matière ce qu’elle peut faire de plus poussé : apporter un soutien, promouvoir, mais pas imposer. 

Si le CPF semble être un dispositif qui a du sens, plusieurs obstacles rendent malgré tout complexe son européanisation à court terme : 

  • des freins légaux au regard du fonctionnement des institutions européennes ;
  • une difficile convergence politique des États membres ;
  • une soutenabilité financière du modèle :  la France, vantée comme pays modèle, ne l’a pas encore trouvée ;
  • des outils de mobilité et d’orientation (tels que le CEP) à développer pour valoriser les certifications obtenues et leurs reconnaissances dans l’ensemble des pays membres.

La solution viendra peut-être finalement de l’association de plusieurs pays moteurs (l’axe franco-allemand, les pays du Nord, par exemple). On pourrait en effet imaginer un scénario dans lequel ces derniers initieraient un dispositif CPF commun qui aurait vocation à s’élargir petit à petit au reste de l’Europe. Quoi qu’il en soit, le CPF européen, ce n’est pas pour demain !

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