Vous raccrochez le téléphone le sourire aux lèvres. Vous venez de décrocher un contrat pour plusieurs sessions de formation sur votre sujet de prédilection chez Poire, une multinationale dynamique.
En formateur consciencieux, vous avez validé tous les points de votre checklist de prérequis, avez bien cerné les attentes du client et des stagiaires et vous apprêtez à animer de magnifiques formations.
Qui dit multinationale dit probablement, il faut l’espérer, multiculturel. Vous êtes-vous demandé ce que cela impliquait pour votre formation ?
Il serait dommage de ne pas profiter de cette richesse voire d’être moins performant dans la transmission faute d’adaptation.
La culture du formateur influence l’animation de la formation tandis que celle du participant influence sa posture en formation.
Votre culture, vos études vous ont permis d’être le formateur apprécié de tous que vous êtes actuellement. Vous arrivez avec un bagage riche qui peut être différent de celui des personnes que vous allez former, que ce soit au niveau de la posture ou des croyances. Cette culture n’est ni bonne ni mauvaise, elle fait partie de votre personnalité. Par contre, elle peut être différente de celles de vos interlocuteurs. Il faut donc savoir s’analyser pour mieux s’adapter.
Ayant animé des formations en Europe, en Asie ou en Amérique Latine, je me suis vite rendu compte que je devais composer avec ma culture et celles de mes stagiaires pour atteindre mon objectif, transmettre un savoir, savoir-faire ou savoir-être, aux personnes qui participaient à mes sessions de formation. J’ai fait des erreurs en voulant dupliquer une session d’un groupe à l’autre, sans tenir compte des différences entre ma culture et celle de mes interlocuteurs.
Après quelques déconvenues, recherches sur le sujet, j’ai pu adapter ma pratique. Je ne vais pas m’attribuer les recherches qui ont été brillamment faites par G. HOFSTEDE1, référence sur le sujet. (Mais vous partager mes observations.
#1. Proposer une mise en situation individuelle à un « individualiste* »
Après un brillant exposé, vous souhaitez illustrer vos propos via un jeu de rôle. Vous avez besoin de 2 personnes qui se mettent en scène. Il sera plus intéressant de proposer à votre stagiaire Australien de participer. Vous pouvez laisser l’opportunité aux participants Chinois ou Japonais mais sans leur proposer directement, leur laissant ainsi l’opportunité de ne pas se manifester et donc de ne pas avoir à refuser, ce qui les mettrait en situation inconfortable, tout aussi inconfortable que de participer.
De même, si vous posez des questions, mieux vaut s’adresser à l’assemblée. Si vous voulez désigner quelqu’un, choisissez un individualiste*, par exemple un Américain. (* selon la terminologie et la méthodologie de Hofstede, score d’individualisme USA 91/100, Australie 90/100, Chine 20/100, Japon 46/100. Tous les pays sont disponibles).
#2. Importance des relations hiérarchiques
Si dans votre groupe, vous avez un manager et un collaborateur, cela peut passer inaperçu avec des américains ou des néerlandais mais ce sera plus difficile pour des français ou des indiens, qu’il faudra mieux dispatcher dans 2 groupes différents pour que le collaborateur puisse profiter pleinement de la formation. (Données Hofstede, score hiérarchique, USA 40/100, NL 38/100, France 68/100, Inde 77/100).
J’ai encore en tête, jeune formatrice, une formation technique en Inde. J’avais en face de moi une assemblée nombreuse alors que je m’attendais à former 1 ou 2 personnes. Un homme, le responsable, plus âgé, et de nombreuses jeunes femmes, les techniciennes. L’homme semblait perdu avec l’outil informatique tandis que les jeunes femmes, l’une d’elles en particulier, semblaient bien plus à l’aise. Quant à moi, j’avais exprimé le besoin de réduire le nombre de participants pour une transmission plus aisée devant le seul PC. Bref, il aurait été plus simple pour moi de me concentrer sur 2 techniciennes pour remplir mon objectif. Mais cela aurait été inconvenant vis-à-vis du chef. J’ai donc gardé le chef en formation sachant que je n’arriverai pas à lui transmettre le savoir-faire nécessaire ainsi qu’une technicienne. Tout en m’adressant officiellement au chef, je m’assurais que la jeune femme intégrait bien toutes les informations nécessaires. L’honneur du responsable était sauf, la technicienne rassurée et mon objectif de prise en main de l’outil était atteint.
#3. Minimalisme ou exhaustivité ?
Nos études, notre environnement quotidien, nous habituent à différents types de supports. Les journaux distribués dans le métro à Paris ou à Lyon sont assez peu denses, avec des articles courts et des photos d’illustration pas toujours très informatives. Les journaux ou panneaux publicitaires à Tokyo sont ultra denses, avec moult détails en petits caractères. Si on applique cela au domaine de la formation, cela donne des présentations aérées lors d’une formation en France et des slides très denses au Japon. Et pour être plus concret, une simple courbe de tendance illustrant de bons résultats de vente sera sûrement parlante pour un étudiant français tandis que son collègue japonais sera plus à l’aise avec une courbe détaillée comprenant toutes les données chiffrées. Une façon simple de répondre à ce besoin est de fournir en annexe les détails des graphiques illustrant vos propos pour nourrir ceux qui ont envie d’une information exhaustive.
Je pourrais encore écrire des pages d’anecdotes et de recommandations sur le piment de l’interculturalité dans la communication et notamment en formation. Mais cela serait indigeste et n’atteindrait jamais l’exhaustivité des situations que vous pouvez rencontrer.
Ce qui est important, c’est de prendre conscience de l’impact potentiel des différences culturelles entre le formateur et les stagiaires ou au sein des stagiaires, d’être à l’écoute, désireux de s’adapter. Sachant qu’à ses différences culturelles se rajoutent celles des personnalités, cela explique pourquoi 2 sessions de formation ne seront jamais identiques et ainsi enrichissent notre expérience.
Si ce sujet vous intéresse :
1. Les travaux d’Hofstede sont disponibles sur le net : Hofstede-insights.com
2. Un livre très accessible d’Erin Meyer, professeure en management interculturel : The culture map, en anglais uniquement